Dans une société ou depuis des siècles, la norme est le présentiel, la culture du management le contrôle, les changements rapides dans les méthodes de travail bouleversent notre conception de l’Entreprise.
Avec l’avènement du capitalisme, l’entreprise a cherché à s’approprier le temps de travail de l’ouvrier et sa productivité. Ainsi sont apparus les dispositifs de pointage, les contremaîtres puis les outils de reporting d’objectifs imposés…. Le fait d’avoir besoin de contrôler constamment l’activité renvoie à un manque de confiance où on ne laisse pas aux personnes la possibilité de s’organiser elles-mêmes. In fine, on les dépossède de leurs responsabilités au profit d’une taylorisation et d’une standardisation du travail.
Le télétravail change la donne. Finies les relations informelles, les « news » qui circulent dans les couloirs ou à la machine à café, mais également fini le temps du « command & control ». Les salariés doivent reprendre leurs responsabilités, se réapproprier l’autonomie. Ce n’est désormais plus le temps passé à travailler qui compte mais le résultat….
Et pour les manager, outre la crainte d’une perte de « maitrise » du collaborateur ou celle de revoir sa position de chef remise en question par l’autonomisation, ces changements sont majeurs. Que devient il, ce manager leader dévoué corps (et quelque fois âme) à son N+1, gourou des open spaces ou des agences, matamore de la machine à café ? En fait, il se retrouve seul chez lui sans public avec ses équipes dispersées. Donc il doute. La pandémie aura été un accélérateur de changement. Dans le monde d’après, le télétravail perdurera. Il faut ainsi faire évoluer les mentalités du manager. En sera t’il capable après des décennies de modèles de management devenus obsolètes ? Comment réagit l’entreprise et le management actuellement ?
Notre vie est de plus en plus chronométrée, tracée et surveillée. Avec les outils de travail nomade (ordinateur professionnel, smartphone…), la surveillance devient possible partout, tout le temps. Le télétravail n’échappe pas, voire accélère ce traçage numérique.
L’expérience montre que le manager est souvent tenté de surcontrôler ses collaborateurs ne les ayant pas sous les yeux ; Il peut s’interroger sur leur travail effectif ou non…Pour s’en assurer, l’entreprise développe des dispositifs numériques de plus en plus intrusifs, des reporting cherchant à reproduire des relations préexistantes. Ainsi, elle chasse les voyants qui signalent si vous êtes connectés ou non (Lync ou équivalent), elle scrute les outils d’analyse de mail (comptabilisant la quantité de mails lus, traités, envoyés) ; Les CRM (incluant les outils de sollicitations clients, relances, les KYC) sont devenus le Graal. Et attention à ceux qui ne rentrent pas dans le moule. Un flot de chat, d’emails et de vidéo-conférences incessant se déverse, occupant les heures de travail des salariés à domicile sans toujours améliorer la productivité. Le manager multiplie quant à lui les sollicitations, les demandes de reporting, les messages pour compenser aussi ses craintes de perte de pouvoir. Il tente d’inventer de nouveaux rituels de substitution (call café, morning visio, evening visio…). Réflexes pavloviens !
Il convient dès lors de rappeler que le respect de la vie privée existe aussi au travail, y compris lorsque celui-ci est réalisé à distance. Et peut-être d’autant plus, surcontrôler est catastrophique en terme humain. Il y a un principe selon lequel il ne doit pas y avoir de surveillance « excessive ». La CNIL veille mais, avec le basculement rapide vers le télétravail dû à la pandémie, n’a pas eu le temps de prendre des décisions précises sur ce cadre spécifique. De ce fait, le risque est de voir des pratiques excessives (keyloggers, captures d’écrans automatiques, activation des webcams ou la surveillance des applications actives…) se banaliser en méconnaissance du droit. Et certains salariés pourraient s’y accoutumer, l’accepter voire le souhaiter car ils auront perdu la cordée mère.
En télétravail, l’Entreprise et le manager doivent donc s’appuyer sur des piliers essentiels :
- la confiance,
- la responsabilisation
- un cadre de travail défini avec des feedback objectifs permettant d’évier le surcontrôle.
Et le salarié se doit de ne pas tout accepter.
La frontière avec le harcèlement est ténue.