Dans le monde de l’entreprise, réussir sa vie c’est grimper l’échelle sociale, atteindre le statut de cadre et, LE Graal, le dernier niveau du jeu, le passage obligé, l’indice de performance : devenir manager.
Mais cet idéal se fissure dans un monde ou l’entreprise se déshumanise et use ses salariés. De plus en plus de cadres sont désabusés ; La perspective de devenir chef n’est plus forcément une finalité et pour ceux qui le sont, le « cadeau » est devenu fardeau.
Le groupe Crédit Mutuel Alliance Fédérale (CMAF) communique largement ses ambitions sur les sujets d’amélioration des conditions de travail, des relations sociales, de la préservation de la santé et de la sécurité des individus, de l’évolution professionnelle et de la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle… Comme le rappelle Mr METRAL, la Qualité de Vie au Travail ne se décrète pas, elle se co-construit pas à pas en impliquant tout le monde, et je rajouterai, pour autant que tous adhèrent sincèrement au projet. Malheureusement, les ambitions individuelles, les intérêts individuels peuvent faire obstacles au projet.
Etre cadre oblige jouer un rôle de composition ou se mêlent compétences, ambitions et souvent au bout, la désillusion.
Les cadres ne sont plus là pour utiliser leurs compétences au contact de gens intelligents et visionnaires avec lesquels on peut avoir des débats de fond. Ils sont là pour produire et exécuter les ordres de N+ sans pouvoir en débattre. Pas d’état d’âme mais à un moment, certains ont des prises de conscience qui peuvent, parfois, s’opérer douloureusement.
Non seulement, l’exigence professionnelle (capacité à exercer et maitriser son métier) est lourde mais elle se double de l’exigence d’image vis-à-vis des autres. Pour espérer grimper les échelons de la hiérarchie, les cadres doivent montrer et convaincre de leur capacité à tenir sous la pression alors qu’ils ont de moins en moins de temps pour prendre suffisamment de recul.
Ils doivent oublier leurs besoins intellectuels, physiques, corporels. Le mot stress devient tabou, sauf s’il s’agit du bon stress (sic !) celui qui est défini par le N+ (et qui sert ses intérêts), celui qui permet d’avancer, d’atteindre les objectifs. C’est le monde du « toujours plus, toujours plus vite, avec moins de moyens »
Cette exigence se fait donc le plus souvent au détriment de l’individu. Si un cadre craque, alors sa perspective de carrière disparait et ses ambitions avec. Il s’agit alors d’un « accident » mais l’entreprise pourra toujours rebondir en bougeant ses pions sur l’échiquier. C’est le gambit du cadre.
Devenir manager oblige à continuer son autopromotion dans un un rôle qui se heurte désormais de plus en plus souvent à ses propres valeurs humaines, déontologiques.
Les questions existentielles sur le sens du management abondent : quelle est la valeur ajoutée de la mission ? Contrôler l’activité des uns et des autres ou continuer de développer les talents ? Créer du lien social et de l’énergie collective ou servir de fusible à son N+1 ?
De nombreux managers constatent une surcharge de travail, des heures à rallonge, des missions aux attentes floues et se heurtent parfois aux injonctions contradictoires. Ainsi, beaucoup se retrouvent coincés entre le marteau et l’enclume, pris entre les attentes de leur équipe ou des clients et les impératifs venus d’en haut sans réellement de marges de manœuvre. Et le plus souvent, ils subissent l’ambition du N+1.
Autant de sacrifices pour s’apercevoir au final que les positions « élevées » dans l’organisation ne vont pas toujours aux personnes les plus méritantes, les plus courageuses, les plus capables et les plus intelligentes mais à des personnes plus occupées à leur autopromotion constante qu’à régler des dossiers, à des personnes adoptant le « profil bas » ou « low profile » pour ne pas contredire leur N+. Plus d’aspérités, d’idées propres, le manager doit être polissé à défaut d’autre chose….Et le pire, c’est qu’après avoir subi, les « élus » rejouent le même scénario. C’est la réplication. Les promotions vont à ceux qui se ressemblent.
Qui se ressemble s’assemble. Ainsi, le copinage se substitue au mérite, la cooptation permet de s’assurer d’obligés ou le courage devient une denrée rare. Les CODIR deviennent des assemblées d’obligés zélés, serviles et non plus des gens courageux et visionnaires. L’hypocrisie est courante pour survivre dans ce monde de pouvoir ou seule la façade compte.
Le mot manager est devenu un ‘fourre-tout’ qui a perdu de sa signification originelle «celle de s’occuper de ses équipes, contribuer au bien-être, à la montée en compétence et au développement de ses équipes ».
Ce constat, de plus en plus de cadres le font. Avec la multiplication du nombre de cadres depuis les années, le statut s’est banalisé. Dans l’entreprise, les cadres, de niveau intermédiaire dans l’organisation, restent dominants par rapport aux ouvriers ou aux employés mais ils sont dominés par ceux qui dirigent et/ou possèdent les outils de production. En cela, ils sont, eux-aussi, dans une position de servitude même s’ils estiment encore différents. C’est ce que montre le sociologue Gaëtan Flocco auteur de l’ouvrage « Des dominants très dominés. Pourquoi les cadres acceptent leur servitude »…
Plusieurs études font les mêmes constats. La dernière sortie en mars 2021 menée par OpinionWay pour Indeed indique que 20% des cadres ne veulent pas gérer d’équipe. Cette proportion est encore plus élevée parmi les femmes (25%) et chez les 35-49 ans (27%), soit la tranche d’âge la plus susceptible d’occuper des fonctions managériales. Parmi les répondants étant actuellement managers, 66% trouvent cette fonction stressante (72% des femmes notamment) et 43% considèrent que cela représente trop de responsabilités.
La non-reconnaissance par les Directions des réalités et des ressentis multiples des personnes est courante ; Le pire, c’est que toute l’entreprise perd puisque l’impact du management est énorme, un manager qui n’a plus le goût de la fonction peut plomber la productivité d’une équipe, son moral et l’image d’une société toute entière. Quand il ne sombre pas dans les dérives comportementales et le harcèlement.
Jamais être cadre ou manager n’aura été aussi difficile.
Et le CIC SO n’est pas épargné. Nous le voyons, nous le ressentons, ce mal être au travail, ce fossé qui se creuse entre les discours de la Direction Générale du CMAF et la réalité, à l’instar de la bienveillance ; Les méthodes deviennent obsolètes avec les changements de société (télétravail) mais elles ne changent pas…..
Il est temps d’en prendre conscience, de réagir pour que les ambitions du CMAF en matière de QVT soient réellement un chemin à suivre.