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La Bienveillance est souvent galvaudée au CIC SO et certains se cachent derrière ce paravent de manière à cacher la brutalité de leur management. La pseudo bienveillance, faux nez d’un management par la peur, doit être dénoncée

Craquage, dépression, burnout...autant de vocables pour mettre des mots sur des maux. Cela nous concerne tous. Dans le groupe CMAF et également au CIC SO, des évènements douloureux nous le rappelent. Ne restez pas seul ! Alertez nous rapidement et n'hésitez pas à contacter la cellule STIMULUS (ex PSYA) (cf Pixis) soit par téléphone 0 800 001 092 ou par tchat via www.stimulus-care-services.com

Lors du CSE du 24 février, les élus ont unanimement dénoncé des méthodes indignes , des atteintes majeures aux libertés individuelles, au droit des personnes et aux valeurs du groupe CMAF. C'est la première fois que cela arrive au CIC SO alors que nous vivons un changement de gouvernance. L'unicité des 4 syndicats confirment les craintes des élus face à une dérive. Ce combat doit être porté au plus haut point. La CGT aux côtés des autres syndicats CFDT, FO et SNB se mobilisera.

Juridique

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Les règles juridiques évoluent sans cesse. Tous les jours, de nouvelles dispositions législatives entrent en vigueur et transforment notre quotidien. Dans le même temps, les tribunaux rendent des décisions importantes qui bien souvent apportent bon nombre de précisions sur l’application de notre droit.

Seule une veille juridique quotidienne et méthodique permet de suivre l’ensemble de ces évolutions.

Avec l’appui de notre partenaire le cabinet Weizmann - Borzakian, vous trouverez dans la page "Actualité" la rubrique Veille Juridique Newsletter WB qui regroupe une sélection des informations juridiques les plus importantes du mois.

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Veille Juridique

Quelques jurisprudences intéressantes en complément de la newsletter de WB :

La simple énonciation de l’absence de résultat dans la lettre de licenciement, sans qu’elle soit étayée de façon précise, serait à elle seule insuffisante à justifier un motif de licenciement. Ainsi, la chambre sociale de la Cour de cassation juge que « l’insuffisance des résultats ne peut constituer en soi une cause de licenciement »

Voir notre article

Parmi ces critères forts relatifs aux compétences du salarié, l’ancienneté du salarié dans l’entreprise est sans doute le plus important.

En effet, si un salarié ne dispose pas des qualités intrinsèques pour exécuter correctement son contrat de travail, cela signifie, en pratique, qu’il a continuellement manqué à ses obligations depuis son entrée en fonctions. Dès lors, l’insuffisance professionnelle ne peut être « découverte » subitement chez un salarié qui a donné satisfaction pendant plusieurs années.

Les licenciements pour insuffisance professionnelle de salariés disposant d’une grande ancienneté sont donc particulièrement douteux.

Voire notre article veille Juridique

L'abandon de poste peut désigner une absence injustifiée et prolongée d'un salarié ou le fait pour celui-ci de quitter son poste de travail sans prévenir ni indiquer une éventuelle date de retour.

Pour être qualifié d’abandon de poste, il faut que le salarié quitte son poste sans raison apparente ou légitime et sans en informer l’employeur. L’abandon de poste implique une désorganisation de l'entreprise notamment en la laissant dans l’impossibilité de pourvoir à l'absence non prévue du salarié.

Les causes de cet abandon de poste peuvent être multiples, mais il n’est pas rare qu’elles soient la conséquence d’une difficulté d’ordre professionnel qui paraît insurmontable au salarié, au point qu’elle le détermine à vouloir mettre un terme au contrat de travail.

Cependant, il n’est pas permis de considérer comme démissionnaire un salarié au seul motif qu'il a abandonné son poste de travail.

En effet, selon une jurisprudence constante, la démission nécessite une volonté claire et non équivoque du salarié de rompre le contrat de travail. Ainsi, l'employeur ne peut pas prendre acte de la rupture du contrat par le salarié et n'a donc pas d'autre choix que celui d'engager une procédure de licenciement, le plus souvent pour faute grave.

Le licenciement du salarié est toutefois encadré par des limites temporelles circonscrites par le Code du travail et par la jurisprudence.

L’article L 1332-4 du Code du travail prévoit en effet que l’employeur voulant sanctionner un fait fautif doit agir dans un délai de deux mois à compter du jour où il en a eu connaissance. En outre, la jurisprudence impose à l’employeur qui licencie un salarié pour faute grave d’agir dans un délai restreint faute de quoi le motif du licenciement pourrait être jugé sans cause réelle et sérieuse (ici).

Par ailleurs l'abandon de poste n'est pas toujours constitutif d'une faute grave (cf Cour Cass).

Les conséquences sont majeures en terme d'indemnités.

Nous vous invitons à consulter notre FAQ pour intégrer les risques de l'abandon de poste.

La démission est classiquement analysée par le juge comme étant un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste « dfaçon claire et non équivoque » sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

De ce fait, les juges ont toujours considéré que celle-ci ne pouvait pas se présumer.

Tel était classiquement le cas de l’abandon de poste : « en l’absence de volonté claire et non équivoque du salarié de démissionner, il appartient à l’employeur qui lui reproche un abandon de poste de le licencier » (Cass. Soc. 10 juillet 2002 - n° 00-45.566)

Parfois, mais rarement, la démission implicite a pu être retenue au vu de circonstances particulières, mais toujours à la condition que soit démontrée une réelle intention de démissionner du salarié qui devait nécessairement apparaitre comme « sérieuse et non équivoque ».

Ce sont ces principes pourtant constants de nature à préserver le salarié qui sont actuellement remis en cause.

En effet, dans le cadre des discussions en cours sur le projet de Loi sur le fonctionnement du marché du travail en vu du plein-emploi, un amendement a été déposé le 30 septembre 2022  remettant en cause ces principes:

« Art. L. 1237-1-1. – Le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure à cette fin, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, est présumé démissionnaire. Le salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption peut saisir le conseil de prud’hommes.

« L’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées. Il statue au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine.

« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’exécution du présent article».

Dans son exposé, il  précise que:

  • "L’objectif est de limiter le recours des salariés à la pratique de l’abandon de poste lorsqu’ils souhaitent que leur relation de travail cesse, tout en étant indemnisé par l’assurance chômage."

Une fois de plus, des considérations d’ordre économique viennent bouleverser nos principes de droits et notamment des principes aussi fondamentaux que :

  • La présomption de la bonne foi visée à l’Article 2274 Code Civil « La bonne foi est toujours présumée, et c’est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver".
  • La présomption d’innocence visée à l’Article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et à l’article 11 de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

En prévoyant son exclusion de principe au régime d’assurance chômage, le salarié qui, absent de son poste pour quelques raisons que ce soit, est don présumé vouloir « profiter » du système du Chômage et donc de mauvaise foi puisqu’on suppose que son intention était de quitter un emploi dans le seul but de bénéficier du chômage.

Il est ajouté que :

  • « Cet amendement a pour objet d’instaurer une présomption simple de démission du salarié quand ce dernier quitte son poste volontairement. »

La question de la charge de la preuve de la réalité de cette intention est abordée : il appartiendra au salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette démission légalement présumée, de la contester en saisissant le conseil de prud’hommes selon une procédure accélérée.

Alors que l’Article 1382 code Civil prévoit que:

« Les présomptions qui ne sont pas établies par la loi, sont laissées à l’appréciation du juge, qui ne doit les admettre que si elles sont graves, précises et concordantes, et dans les cas seulement où la loi admet la preuve par tout moyen. »

il appartiendra au juge saisi d’apprécier la réelle intention du salarié.

S’agissant d’une présomption simple, la preuve contraire pourra être apportée par tous moyens.

Mais la difficulté pour le salarié sera évidemment de pouvoir démontrer qu’elle était son intention « réelle » et devra démontrer sa  «bonne foi »  en ne se présentant plus à son poste,

Sauf à pouvoir démontrer l'existence de  « raisons de santé ou sécurité » exclues par cet amendement de l’application de la démission présumée, exclusions dont on ne sait si elle sera limitativement appréciée par le juge... .

La preuve d’une « non-intention » sera évidemment difficile à apporter

Par ailleurs, l’employeur, qui prendra acte d’une telle démission présumée courra évidemment le risque de voir cette rupture mise à sa charge en cas de succès de l’action judiciaire du salarié.

En effet, sauf à appliquer les règles relatives à la prise d’acte (démission lorsque les griefs invoqués contre l’employeur ne sont pas fondés/ effets d’un licenciement abusif si les griefs invoqués contre l’employeur sont fondés.) si cette démission était rétroactivement requalifiée et en l’absence de lettre de licenciement, la rupture ne pourrait qu’être analysée en un licenciement sans cause.

Si un tel amendement venait à être retenu, nous ne pourrions que conseiller au salarié : de conserver preuve au moment de son "abandon de poste" de la réalité de son « intention ».

Il faut distinguer deux cas :

  • Il existe une clause de mobilité

Une clause de mobilité est une clause contractuelle par laquelle le salarié accepte à l'avance que son lieu de travail pourra être modifié en cours de contrat. La clause définit précisément la zone géographique dans laquelle pourra avoir lieu cette modification.

Le salarié ne peut généralement pas refuser de se faire muter s'il est soumis à une clause de mobilité, à moins de commettre une faute donnant lieu à sanction pouvant aller jusqu'au licenciement pour faute.

Il est toutefois important de rappeler que la gravité de la faute doit être justifiée et prouvée, ce qui n'est pas toujours chose facile. La gravité de la faute s'apprécie au cas par cas.

Pour rappel, seule la faute grave n'ouvre pas le droit aux indemnités de licenciement et de préavis.

  • Il n'existe pas de clause de mobilité

En l'absence de clause de mobilité, deux situations sont à différencier.

    • Soit le nouveau lieu de travail est situé dans le même secteur géographique :

La notion de secteur géographique est difficile à appréhender. Le nouveau lieu de travail ne doit pas être trop éloigné de l'ancien et doit être apprécié par différents critères tels que :

- la distance entre l'ancien lieu de travail et le nouveau ;
- le temps de trajet domicile - lieu de travail ;
- la qualité des transports en commun qui desservent le nouveau lieu de travail.

Il s'agit d'une simple modification des conditions de travail qui peuvent s'accompagner de mesures (cf mobilité). En cas de refus du salarié, l'employeur peut le sanctionner voire le licencier pour faute simple. En revanche, ce refus ne constitue pas une faute grave.

    • Mutation en dehors du secteur géographique du salarié

Il s'agit d'une modification du contrat de travail du salarié qui nécessite donc son accord. L'employeur ne peut lui imposer une telle mutation. Le refus ne constitue donc pas une faute. 

En cas de licenciement,  la rupture du contrat sera dépourvue de cause réelle et sérieuse.

Le salarié peut ainsi valablement contester son licenciement en justice et obtenir des dommages-intérêt

Aucun licenciement ne peut reposer sur la maladie du salarié. Cela constituerait un motif discriminatoire et donnerait lieu à la nullité de la procédure.

Toutefois, il est admis que des absences répétées ou prolongées peuvent ouvrir la possibilité pour l’employeur de rompre le contrat de travail.

Toutefois, certains accords collectifs (convention collective, accord d’entreprise…) peuvent prévoir des périodes dites de « garantie d’emploi » en cas de maladie ou d’accident au cours desquelles le licenciement pour absences prolongées désorganisant l’entreprise sera interdit.

En dehors de ce cas, le licenciement pour absences prolongées ou répétées pour maladie est possible sous conditions cumulatives strictes ; Les absences doivent :

  • perturber le fonctionnement de l'entreprise (surcharge de travail, clients mécontents, retards de livraison, etc.), mais la seule perturbation du service dans lequel travaille le salarié malade ne suffit pas, sauf si ce service est essentiel à la bonne marche de l’entreprise.
  • engendrer la nécessité de remplacer définitivement le salarié malade. Le salarié recruté pour remplacer le salarié absent pour maladie doit nécessairement faire l’objet d’un recrutement en CDI.
  • ne pas être consécutives à un accident du travail ou une maladie professionnelle ou un manquement à l’obligation de l’entreprise en matière de santé et de sécurité des salariés.

Une dernière décision de la cour de cassation (cliquez ici) rappelle strictement les conditions de licenciement.

Ainsi lorsque l'absence prolongée du salarié pour cause de maladie résulte d'un manquement de l'employeur à ses obligations, ses conséquences sur le fonctionnement de l'entreprise ne peuvent être invoquées pour justifier un licenciement.

Nemo auditur propriam suam turpitudinem allegans, traduction : On ne peut se servir de sa propre turpitude.

Comprenons ainsi que l’employeur ne peut licencier un(e) salarié(e) qui perd ses nerfs précisément si l’employeur l’a poussé à bout en le(a) harcelant.

A différentes reprises, la Cour de cassation rappelle que « Est justifiée la décision d’une cour d’appel d’annuler un licenciement après avoir constaté que le harcèlement était caractérisé et que le comportement reproché au salarié était une réaction au harcèlement moral dont il avait été victime. »

Le(a) salarié(e) victime de harcèlement moral ne peut subir de double peine : non seulement il(elle) est harcelé(e) mais en outre quand il(elle) cesse d’accepter de subir, il(elle) est sanctionné(e) pour s’être rebellé(e).

Ainsi, la Cour de cassation confirme que le harcèlement corrompt tout et permet :

  • l’annulation du licenciement ;
  • la reconnaissance du fait, en cours d’exécution du contrat, que la maladie qui suit une altercation dans un contexte de harcèlement est professionnelle.

Différentes décisions de justice. Cliquez ici :

Décision 1

Décision 2

Décision 3

L’analyse de la jurisprudence de la Cour de cassation dévoile que tous les écrits de l’employeur (lette ou un simple e-mail) reprochant une faute au salarié et l’avertissant de l’éventualité de nouvelles sanctions en cas de réitération de son comportement sont assimilables à un avertissement.

A l’inverse, ne constituent pas un avertissement lorsque l’employeur :

  • n’invoque pas une faute du salarié dans ses écrits,
  • se borne à des observations ou réprimandes verbales même si il n’exclut pas des sanctions ultérieures,
  • sollicite du salarié qu’il se ressaisisse en lui faisant des propositions afin de l’aider,
  • envoie un compte-rendu d’un entretien de suivi par lequel un supérieur hiérarchique indique au salarié qu’il sollicite une sanction à son encontre auprès du service compétent pour prononcer une telle mesure, en précisant qu’il ignore quelle en sera l’issue.

L’employeur qui notifie une sanction disciplinaire à un salarié ne peut plus invoquer la même faute pour justifier son licenciement, sans se prévaloir de faits nouveaux survenus postérieurement.

Il en résulte qu’il ne peut prononcer, par la suite, un licenciement pour les autres faits antérieurs à l’avertissement.

La Cour de cassation considère même que l’employeur qui, bien qu’informé de l’ensemble des faits reprochés à un salarié, choisit de lui notifier un avertissement seulement pour certains d’entre eux, a épuisé son pouvoir disciplinaire (Cass. soc. 16-3-2010 n° 08-43.057)

La jurisprudence a été conduite à préciser que l’employeur ayant épuisé son pouvoir disciplinaire par la notification de la sanction ne peut le restaurer en décidant unilatéralement d’annuler la mesure ainsi notifiée (Cass. soc. 14-11-2013 n° 12-21.495).

Ainsi, l’employeur s’expose à une action en nullité d’un licenciement ultérieur, s’il envoie au salarié une lettre ou un e-mail de reproches pouvant être assimilés à un simple avertissement.

Nous rappelons à ce titre la convention de groupe, article 14.1 :

"Tout agissement ou manquement considéré par l’employeur comme fautif peut donner lieu, dans le respect des dispositions légales et réglementaires au prononcé de sanctions disciplinaires.
Tout salarié peut se faire assister lors de l’entretien préalable par un salarié d’une entreprise relevant du champ d’application de la présente convention de Groupe."

Ces sanctions, appliquées par l’employeur, après avoir entendu au préalable l’intéressé sont, en fonction de la gravité de la faute, les suivantes :

  • sanctions du 1er degré
    • avertissement
    • blâme
    • mise à pied disciplinaire de 1 à 3 jours maximum

Ces trois sanctions qui feront l'objet d'une notification écrite, seront mentionnées au dossier de l'intéressé.

Conformément aux dispositions légales, aucune sanction antérieure de plus de trois ans à l’engagement des poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l’appui d’une nouvelle sanction.

  • sanctions du 2nd degré
    • rétrogradation
    • licenciement pour motif disciplinaire (faute simple, faute grave ou faute lourde)

Dans ce contexte, et au regard des méthodes de certains managers de convoquer les salariés à des entretiens commerciaux qui se transforment en entretien de recadrage suivi de courrier, nous préconisons de rester vigilants.

Le code du travail rappelle qu'une sanction disciplinaire est une mesure prise par l’employeur à la suite d’agissements du salarié qu’il considère comme fautifs. Avant d’appliquer la sanction, l’employeur est tenu de respecter une procédure destinée à informer le salarié concerné et à lui permettre d’assurer sa défense. C'est ce que précise également la convention de groupe CMAF.

N'hésitez pas à contacter vos représentants.

Un cas intéressant à rappeler sur le principe que l'on ne peut pas sanctionner deux fois les mêmes faits :

Le cas : Une téléconseillère se voit reprocher par son supérieur hiérarchique plusieurs négligences durant un entretien professionnel. Ce manager rédige un compte rendu et la prévient qu’il va réclamer une sanction. Moins d’un mois plus tard, cette femme est licenciée pour faute grave. Elle conteste alors cette décision devant le conseil de prud’hommes. A tort, selon la Cour de cassation : cass. soc., 27 mai 2021, no 19-15.507  (Cliquez ici).

Pour bien comprendre cet arrêt, il faut commencer par rappeler la règle du "non bis in idem", un principe très ancien dans le droit, selon lequel on ne peut pas sanctionner quelqu’un deux fois pour les mêmes faits. C’est avec cet argument que l’avocat de la salariée a tenté de faire reconnaître le licenciement comme abusif : les faits reprochés à sa cliente sont les mêmes dans le compte rendu de son supérieur et dans la lettre de licenciement. Le document rédigé à la suite de l’entretien de recadrage constituait donc déjà un premier avertissement disciplinaire selon lui. La cour d’appel a abondé dans ce sens mais pas la Cour de cassation.

En effet, un manager peut faire des remarques à ses collaborateurs sans que cela puisse être considéré comme une sanction, quand bien même les reproches sont formalisés par un écrit. De plus, la volonté de sanctionner doit être très claire et sans équivoque. Le souhait d’un N + 1, comme dans cette affaire, suffit d’autant moins que, si ce dernier peut demander une mesure disciplinaire, il n’a pas le pouvoir de la décider, à moins de disposer d’une délégation, ce qui est rare.Cette faculté relève le plus souvent de la direction générale.

Voilà pourquoi les juges ont estimé que l’employeur de la salariée était dans son droit en sanctionnant les faits invoqués lors de l’entretien et dans le compte rendu par un licenciement.

 

Selon l’article L. 1331-1 du Code du Travail, « constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ».

Dans une décision du 2 février 2022 (Cass soc 02 février 2022 20-13.833), la Cour de Cassation rappelle une nouvelle fois que des reproches faits à un salarié, même à l’occasion de son entretien d’évaluation, peuvent être analysés comme constituant une sanction disciplinaire dès lors que les reproches sont accompagnés d'une invitation « de manière impérative et comminatoire et sans délai à un changement complet et total » du comportement.

Elle note que le document d'évaluation comportait « des griefs précis ».....ce qui semble pourtant être justement le but d’un entretien d’évaluation…

  • « Après avoir relevé que, dans son compte rendu d'entretien, l'employeur reprochait au salarié son attitude dure et fermée aux changements, à l'origine d'une plainte de collaborateurs en souffrance, des dysfonctionnements graves liés à la sécurité électrique et le non-respect des normes réglementaires, et l'invitait de manière impérative et comminatoire et sans délai à un changement complet et total, la cour d'appel en a exactement déduit que ce document comportant des griefs précis sanctionnait un comportement considéré comme fautif et constituait un avertissement, en sorte que les mêmes faits ne pouvaient plus justifier un licenciement ultérieur ».

Les décisions sont anciennes et nombreuses à analyser de tels reproches en une sanction d’ores et déjà notifiée, interdisant par la suite d'en notifier une nouvelle en application du principe du non-cumul de sanctions disciplinaires.

Tels sont le cas, par exemple :

  • D'une lettre dans laquelle l'employeur reproche l'insuffisance et la dégradation du travail de son collaborateur en se fondant sur des exemples (Cass soc 30 avril 1997 N°95-42437),
  • D'une simple mise en garde considérée bien que comme seulement « formelle » par un employeur qui reprochait au salarié des fautes à savoir des « négligences dans l'accomplissement de ses tâches ainsi que des absences pendant les horaires de travail » (Cass Soc 5 juin 2002 N° 00-44512),
  • D'une demande d'explications écrites à la suite de faits considérés comme fautifs par l'employeur donnant lieu à des documents écrits conservés au dossier du salarié (Cass. Soc., 19 mai 2015, N°13-26.916),
  • D'une lettre attirant l'attention du salarié sur le fait qu'il devait exécuter normalement son travail dans le respect de sa hiérarchie et qui se terminait de la manière suivante : "Nous attendons de votre part la prise en compte immédiate de nos différentes demandes, faute de quoi, nous serons contraints d'en tirer les conséquences qui s'imposent et cela après avoir de notre côté exécuté loyalement notre partie du contrat (Cass. Soc., 22 sept. 2011, N°10-14.329) ;
  • D'un message électronique adressant divers reproches à un salarié l'invitant "instamment" à changer "radicalement" et "sans délai" de comportement sous peine de licenciement disciplinaire (Cass Soc 6 novembre 2019 - n° 18-20.268).

La différence est parfois tenue entre des simples remarques écrites que l’employeur peut faire à un collaborateur dans l’exercice de son pouvoir de contrôle et de direction et la sanction disciplinaire.

Elle tient au fait que dans le cas d’une sanction :

  • Les observations sont écrites et non verbales, ce, quel qu’en soit le support (mails, lettre entretien d’évaluation…)
  • Il est reproché à un salarié des agissements que l’employeur considère comme fautifs,
  • Mais surtout, l’employeur ne se contente pas d’énumérer des griefs mais invite en plus le salarié à modifier son comportement face à de tels faits sous peine de nouvelle sanction.

 

 

 

Le compte rendu par lequel l’employeur reproche des griefs au salarié et l’enjoint de modifier son comportement est un avertissement qui épuise le pouvoir disciplinaire de l’employeur. cf décision Cour de Cassation

1) Règle applicable.

L’article L1331-1 du Code du travail définit la sanction comme

« toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif ; que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ».

2) Faits et procédure.

En l’espèce, un salarié licencié pour faute grave conteste les motifs de la rupture de son contrat de travail, jugée sans cause réelle et sérieuse par les juges du fond.

Un certain nombre de fautes lui avaient été reprochées en amont au cours d’un entretien annuel d’évaluation. Au terme de cet entretien, l’employeur enjoint le salarié de modifier radicalement son comportement « de manière impérative et comminatoire et sans délai à un changement complet et total ».

Selon l’argumentaire de l’employeur, si certaines de ces fautes ont ensuite motivé la rupture du contrat de travail du salarié, d’autres étaient également reprochées au salarié dans sa lettre de licenciement.

L’employeur considérait donc que son pouvoir disciplinaire n’était pas épuisé à la suite de l’entretien annuel d’évaluation.

Cette argumentation n’a pas été retenue par la Cour d’appel de Besançon qui a jugé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse dans la mesure où le compte rendu d’entretien faisait état de griefs strictement identiques à ceux figurant dans la lettre de licenciement.

3) Analyse.

Cette décision s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence de la Cour de cassation qui considère habituellement qu’un écrit faisant état de reproches au salarié et l’enjoignant de modifier son comportement est une sanction.

Ainsi ont déjà été jugé :

- un e-mail adressé par un employeur à un salarié dans lequel il lui reproche des manquements aux règles et procédures internes, et l’invite de manière impérative à son conformer à ces règles, constitue une sanction (Cass. soc., 9 avr. 2014, n°13-10.939, inédit) ;
- une lettre par laquelle l’employeur met en demeure un salarié d’apporter plus de soin à son travail (Cass. soc., 13 oct. 1993, n° 92-40.955, inédit) ;
- une lettre faisant état d’un certain nombre de griefs et menaçant le salarié d’un éventuel déclassement ou licenciement (Cass. soc., 13 nov. 2001, n° 99-42.709, Bull. 2011, V, n° 344, p.276).

 

Le licenciement d'un salarié en CDI est une privation involontaire d'emploi, peu importe le motif. Pour la réglementation d'assurance chômage, le type de licenciement (cause réelle et sérieuse, faute grave ou lourde) n'a pas de conséquence sur le droit à l'allocation d'aide au retour à l'emploi. Elle en a par contre sur le montant des indemnités.

  • La faute simple :

La faute simple n'oblige pas l'employeur à faire cesser immédiatement le contrat de travail et peut simplement justifier une sanction disciplinaire (avertissement, mise à pied, blâme).

Dans certains cas, elle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. L'employeur doit respecter la procédure de licenciement pour motif personnel et le salarié licencié effectue son préavis, sauf dispense de l'employeur.

La faute simple peut être reconnue, par exemple, à l'occasion d'une erreur ou d'une négligence commise par le salarié dans le cadre de son travail.

À savoir : un juge peut requalifier un licenciement pour faute grave (ou lourde) en un licenciement pour faute simple.

Effet sur les indemnités de rupture du contrat

Le salarié licencié pour faute simple a droit de percevoir, s'il remplit les conditions permettant d'en bénéficier, les indemnités suivantes :

 

  • La faute grave :

La faute grave suppose que l'employeur ne peut pas maintenir le salarié dans l'entreprise, même temporairement. L'employeur doit respecter la procédure de licenciement pour motif personnel.

La faute grave est le résultat d'un fait ou d'un ensemble de faits qui constituent une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail.

La gravité de la faute est appréciée en fonction des circonstances propres à chaque fait. La faute grave peut être reconnue même si la faute est commise pour la première fois.

En pratique, la faute grave est souvent admise dans les cas suivants :

  • État d'ivresse pendant les heures de travail
  • Absences injustifiées ou abandon de poste
  • Indiscipline ou insubordination du salarié (refus d'effectuer une tâche de travail prévue dans le contrat)
  • Harcèlement, violences ou injures envers l'employeur ou d'autres salariés
  • Vols dans l'entreprise

Effet sur les indemnités de rupture du contrat

L'indemnité de licenciement et l'indemnité compensatrice de préavis ne sont pas versées au salarié. Il reçoit l'indemnité compensatrice de congés payé, s'il en remplit les conditions.

 

  • La faute lourde

La faute lourde est une faute d'une particulière gravité, révélant une intention de nuire du salarié à l'encontre de l'entreprise et de l'employeur. La faute lourde justifie la rupture immédiate du contrat de travail. L'employeur doit respecter la procédure de licenciement pour motif personnel.

C'est à l'employeur d'apporter la preuve de cette intention de nuire. En l'absence de preuve, la faute lourde ne peut pas être reconnue.

En pratique, la faute lourde peut être admise dans les cas suivants :

  • Blocage de l'accès à l'entreprise aux salariés non grévistes par des salariés grévistes
  • Dégradation volontaire d'un outil de l'entreprise
  • Violence physique et menace de mort envers l'employeur
  • Séquestration d'un membre du personnel de l'entreprise
  • Détournement de clientèle au profit d'un concurrent
  • Divulgation d'informations secrètes ou confidentielles

Effet sur les indemnités de rupture du contrat

L'indemnité de licenciement et l'indemnité compensatrice de préavis ne sont pas versées au salarié. Il reçoit l'indemnité compensatrice de congés payés, s'il en remplit les conditions.

Attention : si la faute commise a causé un préjudice à l'employeur, le salarié peut être condamné à le réparer en versant à l'employeur des dommages-intérêts : Somme d'argent destinée à réparer le préjudice subit.

Le licenciement pour faute grave correspond à une situation bien spécifique.

Si la faute grave est privative de l’indemnité de licenciement et du préavis, elle ne prive pas le salarié de ses indemnités servies par Pôle Emploi.

La faute grave ne peut être d’un fait relevant de la vie privée malgré l’évolution de certaines décisions et de la jurisprudence. Les critères doivent être exclusivement d’ordre professionnels et recouvre donc des manquements rendant impossible son maintien immédiat dans l’entreprise.

La mise à pied conservatoire n’est pas une obligation lorsque l’employeur veut invoquer une faute grave, même si cette mesure est recommandée.

Pour illustration, la jurisprudence a pu décider, qu’est une faute grave le fait de :

  • refuser de manière répétée, d’exécuter une directive entrant dans les attributions du salarié ;
  • exercer une activité concurrente ;
  • divulguer des informations confidentielles ;
  • contrevenir à des règles d’hygiène et de sécurité ;
  • travailler en état d’ébriété ;
  • frapper et menacer un collègue ; Attention, sur ce sujet, la jurisprudence admet que s’il s’agit d’une réaction à une agression (physique ou verbale), du harcèlement la faute grave peut être remise en cause.
  • commettre un vol.

A l’opposé, l’employeur est également soumis à des b notamment en matière de santé et de sécurité, en matière de respect du contrat… Tout manquement pourrait être fondement à la faute inexcusable de l’employeur.

La plus souvent, la faute grave est caractérisée quand le salarié a commis des actes malhonnêtes (notamment vol ou escroquerie à l’encontre de l’employeur ou de ses clients), irresponsables ou relevant de la mauvaise foi même en l’absence d’une intention de nuire à l’entreprise ou de lui causer un dommage particulier.

Pour agir, l’employeur dispose d’un délai réduit. Ainsi, la faute grave risque de ne pas être caractérisée si l’employeur tarde à engager la procédure de licenciement après avoir été informé du comportement fautif, même si le délai de prescription deux mois de l’article L1332-4 du Code du travail est respecté.

Bien entendu, si l’employeur n’a pas connaissance de l’existence du comportement fautif ainsi que de son auteur, on ne peut lui reprocher de ne pas engager tout de suite une procédure de licenciement.

La charge de la preuve de la faute grave repose sur l’employeur C’est à l’employeur de démontrer en plus la date de connaissance des faits fautifs, sachant que cette connaissance sera considérée comme étant acquise lorsqu’un supérieur du salarié est au courant du comportement fautif, même si ce supérieur ne dispose pas du pouvoir disciplinaire.

L’employeur devant démontrer que la faute grave est personnellement imputable au salarié, cela veut dire que seul le salarié est auteur des fautes. Les simples soupçons ne sont pas des preuves. Enfin, si l’employeur n’a pas lui-même respecté ses obligations et/ou si elle a mis elle-même le salarié dans une situation telle que le salarié pourrait être mis en risque (notamment une organisation déficiente mettant les salariés en risque, en stress avec comme résultat l’instauration d’une certaine violence), évoquer une faute grave risque d’être remis en cause.

En dernier lieu, même lorsque la faute grave n’est pas démontrée, le licenciement n’est pas forcément abusif. Il y a toujours possibilité (de la part de l’employeur ou des juges) de requalifier en faute simple. Ainsi, le salarié retrouve la possibilité de percevoir des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

Un salarié, directeur général d’une association, avait pratiqué à l’égard de ses subordonnés un management brutal, consistant, par exemple, à déchirer le travail d’un salarié en public et à émettre des critiques vives et méprisantes ainsi que des ordres et contrordres peu respectueux de leur travail, comportement de nature à impressionner et nuire à la santé du personnel. Il avait été licencié pour faute grave par l’association employeur, mais la cour d’appel, tout en retenant l’existence d’une cause réelle et sérieuse de licenciement, avait considéré que la faute ne rendait pas impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, du fait qu’il exerçait ses fonctions depuis plus de 5 ans.

La Cour de cassation censure l’arrêt en reprochant aux juges du fond d’avoir retenu, avec l’ancienneté du salarié, un motif impropre à écarter la faute grave du directeur. Elle affirme, au contraire, que la pratique d’un management de nature à impressionner et nuire à la santé des salariés constitue une faute rendant impossible son maintien dans l’entreprise.

 

Dans un même registre, la chambre sociale a récemment censuré des juges du fond qui avaient tenu compte d’une ancienneté de 7 ans pour écarter la faute grave dans le cas d’un salarié ayant tenu à l'encontre d'une collègue de travail des propos dégradants à caractère sexuel (Cass. soc. 27-5-2020 n° 18-21.877 F-D). 

Cet arrêt relatif au licenciement disciplinaire illustre la possibilité que se donne la chambre sociale de la Cour de cassation de censurer les décisions des juges du fond en matière de faute grave. Depuis 2014, la Haute Juridiction n’exerce plus, en principe, qu’un contrôle dit « léger » sur la qualification de la faute grave, consistant à ne censurer les arrêts de cours d’appel que lorsqu’il apparaît que les juges du fond ont commis une erreur manifeste dans leur appréciation de la faute, en retenant l’absence ou l’existence d’une faute grave alors que leurs constatations auraient dû aboutir à la décision opposée.

Mais, malgré l’infléchissement de son contrôle, la Cour de cassation continue d'imposer aux juges du fond la qualification de faute grave en présence de comportements du salarié portant atteinte à la santé ou, plus largement, à la dignité de la personne. Il en est ainsi en cas d’injures à l'égard d'un subordonné de santé fragile (Cass. soc. 19-1-2010 n° 08-42.260 FD), de propos humiliants et répétés à connotation raciste (Cass. soc. 25-1-1995 n° 93-42.610 D ; Cass. soc. 5-12-2018 n° 17-14.594 F-D), de méthodes de management humiliantes caractérisant un harcèlement moral (Cass. soc. 10-5-2012 n° 11-11.371 F-D) et de violences ou menaces à l’égard d’autres salariés (Cass. soc. 22-3-2007 n° 05-41.179 F-D ; Cass. soc. 15-12-2009 n° 08-44.847 F-D).

Le harcèlement moral est constitué par des agissements répétés qui :

  • ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de la victime,
  • et sont susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Un seul acte n’est pas suffisant pour caractériser le harcèlement moral.

En revanche, un fait unique mais répété et perdurant pendant une certaine période, peut caractériser le harcèlement moral.

Une situation de harcèlement moral se déduit essentiellement de la constatation d'une dégradation préjudiciable des conditions de travail du salarié, consécutive à des agissements répétés de l'employeur (ou d'un autre salarié) révélateurs d'un exercice anormal et abusif par celui-ci de ses pouvoirs d'autorité, de direction, de contrôle et de sanction.

Les sanctions pénales du harcèlement moral entraînant une dégradation des conditions de travail sont de 30 000 € d'amende et de 2 ans d'emprisonnement.

Le bore-out ¶

On parle de bore-out lorsqu’un salarié souffre d’une intense fatigue causée non par un excès de travail (burn-out) mais, au contraire, par l’absence de travail confié.

Le bore-out se caractérise généralement par un ennui permanent au travail. Il peut être causé par le manque d’activité ou la relégation du salarié à des tâches subalternes sans lien avec sa qualification. Sur une longue période, une telle situation peut conduire à des états pathologiques.

Les salariés qui ne trouvent pas d’intérêt dans leur travail, ou qui n’ont pas assez de tâches à effectuer, peuvent souffrir de bore-out. On parle aussi de « syndrome d’épuisement professionnel par l’ennui » (à l’inverse du burn-out causé par un excès de travail).

La Cour d’Appel de Paris reconnait le bore-out comme constitutif d’une forme de harcèlement moral.

Référence ¶

CA Paris, 2 juin 2020, n° RG 18/05421

Le harcèlement moral est clairement défini comme

  • constitué de faits répétés
  • ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel/

Malgré tout, gagner un procès pour harcèlement moral en entreprise est compliqué tant les obstacles sont nombreux que ce soient la difficulté de rassembler les preuves, gérer des délais judiciaires de plus en plus longs alors même que le salarié est en fragilité physique et psychologique.

De plus, malgré des éléments certains, des juges procèdent à une appréciation séparée de chacune des preuves produites plutôt qu'une appréciation des éléments apportés par le salarié dans leur ensemble.

Dernièrement, des arrêts de Cour de Cassation permettent de remettre les "pendules à l"heure".

Quelques pistes à connaitre pour mettre les atouts de votre côté :

 
  • Réunir les éléments probants permettant d’établir la matérialité des faits de harcèlement moral (mail, historique de conversation skype, benchmark comparatifs, entretiens virant au recadrage ou disciplinaires sans possibilité de se faire accompagner... A cet égard, nous vous invitons à écrire à l'issue de ce type d'entretien pour acter les mots prononcés...)
  • Présenter des éléments témoignages d’autres salariés relatifs aux pressions en matière d’objectifs, des méthodes imposées par la hiérarchie, les flicages... voire des articles de presse... (cliquez ici pour le rendu de la Cour de Cassation)
  • Disposer d’un dossier médical complet. Dans certains cas, le salarié ne dispose que d’un dossier médical sans parvenir à établir autrement les faits de harcèlement moral. (cliquez ici pour le rendu de la cour de Cassation).

Cette décision cassant l'arrêt de la Cour d'Appel de Montpellier est d'autant plus intéressante que le litige opposait un Directeur d’agence bancaire vs son employeur Banque Populaire du Sud. Il y a des similitudes avec les agissements de certains hiérarchiques du CIC SO.

Une autre décision rendue le 12 mai 2021 (Cass. Soc. 12 mai 2021 n°20-10512) mérite d'être rapportée : Le comportement agressif d'un salarié harcelé ne constitue pas une faute grave

Dans le cas présent, un salarié VRP exclusif était licencié pour faute grave, l’employeur évoquant un « comportement violent » du salarié à l’égard de sa supérieure hiérarchique, une « agression verbale » et une « agression physique » empêchée grâce à l’intervention d’un tiers.

La cour de cassation a considéré que, dès lors que ce comportement résulte du harcèlement moral subi par le salarié, aucune faute grave n’est caractérisée.

Pour autant, évitez d'aggraver une situation conflictuelle par une posture agressive verbale et pire physique.

En cas de dénonciation de faits de harcèlement moral, l’employeur peut diligenter une enquête sur le salarié mis en cause, sans l’en informer ni entendre ses explications

Un employeur a été alerté par les représentants du personnel de faits de harcèlement moral imputés à une salariée.

L’employeur a sollicité, en accord avec les représentants du personnel, un organisme extérieur spécialisé en risques psychosociaux afin de réaliser une enquête.

Après une série d’entretiens menés avec les collaborateurs de la salariée mise en cause, le rapport d’enquête a conclu que cette dernière avait proféré des insultes à caractère racial et discriminatoire et causé des perturbations graves de l’organisation.

Au vu des conclusions de l’enquête, l’employeur a prononcé son licenciement pour faute grave.

La salariée a alors saisi le Conseil de prud’hommes pour contester son licenciement et a fait valoir que le rapport d’enquête constituait une preuve non recevable sur le fondement l’article L1222-4 du Code du travail, lequel dispose

« Aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance ».

La Cour d’Appel a suivi l’argumentation de la salariée en déclarant le compte-rendu illicite (la salariée n’ayant été ni informée ni entendue) et a requalifié le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La Cour de cassation a censuré les juges d’appel, au motif que l’enquête réalisée à la suite d’une dénonciation de harcèlement moral n’est pas soumise à l’article L.1222-4 du Code du travail et ne constitue pas une preuve déloyale comme issue d’un procédé clandestin de surveillance de l’activité du salarié.

L’enquête peut donc se faire à l’insu du salarié.

Vous êtes en arrêt de travail suite à un harcèlement (moral) ou consécutivement à une altercation.... Votre statut de victime n'est pas reconnu, l'employeur refuse de constater les faits et nie toute responsabilité. Il refuse toutes négociations en vues d'une éventuelle rupture conventionnelle et vous invite à démissionner. 

Une solution : Prouver la faute inexcusable de l'employeur.

Pour pallier l’absence de définition de la faute inexcusable, la Cour a multiplié les critères. La définition de cette faute relève d’un arrêt du 15 Juillet 1941 ou la Cour considère que « La faute inexcusable doit s’entendre d’une faute d’une gravité exceptionnelle dérivant d’un acte ou d’une omission volontaire, de la conscience du danger que devait avoir son auteur, de l’absence de toute cause justificative et se distinguant par le défaut de l’élément intentionnel de la faute intentionnelle ».

Cependant, de cette définition impliquant de nombreux critères cumulatifs, la Cour de cassation a abandonné la définition de cette faute inexcusable par une série d’arrêts. Le 8 octobre 2020, la Cour de cassation a modifié la définition de la faute inexcusable. Désormais, on parle de manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers son salarié (article L.4121-1 du Code du travail).

Pour solliciter la reconnaissance d’une faute inexcusable de son employeur, il convient tout d’abord d’avoir été reconnue victime d’un accident du travail/maladie professionnelle par la CPAM.

Selon l’article L.452-4 du Code de la sécurité sociale, le salarié victime ou ses ayants droits peuvent obtenir la reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur soit par la voie d’une procédure amiable/gracieuse ou d’une procédure contentieuse.

L’article L.452-1 du Code de la sécurité sociale, dispose que que la demande en reconnaissance de la faute inexcusable est formée par la victime d'un accident du travail, d'une maladie professionnelle ou d'une rechute, ou par ses ayants droit, à l'encontre de l'employeur.

Au lancement de la procédure, l’assurance maladie mettra le dossier à votre disposition et à celle de votre employeur. Une phase contradictoire débutera alors afin de déterminer si oui ou non votre maladie sera reconnue :
 

  • 10 jours pendant lesquels votre employeur et vous pouvez consulter le dossier et y apporter vos observations respectives, sans possibilité d’ajouts de nouvelles pièces.
  • 10 jours maximum pendant lesquels les deux parties peuvent toujours consulter le dossier.
  • 4 mois maximum après la réception de votre dossier, la CPAM prend sa décision. Si le dossier relève d’une prise en charge ou d’un rejet, la caisse vous informera de sa décision.

 

L’employeur peut contester la faute inexcusable en prouvant qu’il n’avait pas conscience du danger ou qu’il a fait tout ce qui lui était possible pour prévenir l’accident ou la maladie en assurant la sécurité du salarié en prenant toutes les mesures prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du Code du travail.

Lorsque la CPAM notifie à l’employeur sa décision de prendre en charge un accident au titre, soit d’un AT (accident du travail) ou d’une MP (maladie professionnelle), l’employeur dispose d’un délai de deux mois pour contester cette décision. Une fois le délai de deux mois passés, la décision de la CPAM est irrévocable.

Les conséquences de la reconnaissance de la faute inexcusable ne sont pas neutres pour  l'employeur :

  • Majoration du taux de cotisation ;
  • Majoration des frais et indemnités de licenciement ;
  • Dommages et intérêts en cas de faute de l’employeur
  • Risque pénal pour l'employeur et les dirigeants.

Cette procédure contentieuse est lourde et longue. Il est clair que durant la procédure, le climat entre le salarié et l'employeur sera particulièrement tendu. L'issue est généralement la cessation du contrat de travail.

Négociations pendant, après..., toute la procédure doit être suivie par un avocat.

Le harcèlement moral institutionnel a pour caractéristiques de découler d’un mode de gestion du personnel déviant. Un mode de gestion toléré, encouragé, systémique : harcèlement managérial, harcèlement moral entre collègues (même sans différence de niveau hiérarchique), violences psychologiques habituelles, agressions verbalescritiques excessives, remarques désobligeantes, intimidations, exclusion / placardisation, cyberharcèlement, atteinte aux droits et à la dignité du salarié, etc.

Le 20 décembre 2019, le tribunal correctionnel de Paris rendait un jugement de condamnation dans l’affaire dite FRANCE TELECOM, première condamnation prononcée pour harcèlement moral institutionnel.

Le tribunal correctionnel a reconnu l’existence d’un harcèlement moral à l’échelle de l’entreprise entière qui « peut avoir ses racines profondes dans l’organisation du travail et les formes du management », « visant à déstabiliser les salariés, à créer un climat anxiogène et ayant eu pour objet et pour effet une dégradation des conditions de travail ».

Quelles conséquences ?

Ce type de comportement en entreprise, lorsqu’il est toléré et institutionnalisé, peut causer des suicides (60 en 3 ans chez France TELECOM) ou, à tout le moins, des arrêts maladie et /ou démissions et /ou litiges prud’homaux et / ou plainte au pénal.

Le harcèlement moral institutionnel présente donc un caractère collectif mais il est reconnu à titre individuel dès lors qu’un salarié peut démontrer qu’il en a personnellement souffert. Les cas peuvent donc être regroupés pour distinguer ceux qui étaient dans une situation identique en tant que victimes. Le dernier arrêt ci-joint de la cour d’appel de Paris le confirme.

La justice sanctionne le harcèlement moral institutionnel. Les conséquences financières pour l’entreprise (mais aussi en terme d’image dégradée) peuvent être très lourdes.

L’arrêt

Les décisions d'organisation prises dans le cadre professionnel peuvent, dans un contexte particulier, être source d'insécurité permanente pour tout le personnel et devenir alors harcelantes pour certains salariés. Il n'est donc pas besoin pour asseoir l'élément légal du délit de harcèlement de reprendre salarié par salarié, dans la mesure où ont pu être regroupés et distingués ceux qui étaient dans une situation identique en tant que victimes. Le harcèlement institutionnel a en effet pour spécificité d'être en cascade, avec un effet de ruissellement, indépendamment de l'absence de lien hiérarchique entre le prévenu et la victime.

CA Paris 30-9-2022 nº 20/05346

Si la liberté d’expression est une liberté fondamentale garantie par la Constitution ainsi que par plusieurs conventions internationales (dont la Convention Européenne des Droits de l’Homme), force est de constater que cette liberté ne vaut dans l’entreprise que tant qu’elle ne se heurte pas au pouvoir de l’employeur.

Elle pèse en effet d’un poids bien relatif lorsque le salarié se dresse pour dénoncer les pratiques litigieuses commises ou couvertes par son employeur. Le constat se répète invariablement, le salarié qui se hasarde à évoquer avec insistance les faits illicites ou frauduleux qu’il a découverts dans le cadre de son activité professionnelle peut considérer que ses jours dans l’entreprise sont comptés… Il serait illusoire, ou naïf, d’imaginer qu’il bénéficiera du soutien de son employeur, celui-ci étant souvent davantage enclin en pareille circonstance à faire usage de son pouvoir disciplinaire pour congédier le gêneur plutôt qu’à le féliciter de sa vigilance.

Toutefois, les lanceurs d’alerte ne sont pas démunis et bénéficient d’une protection légale propre à assurer la défense de leurs droits. Depuis 2016, les dispositions destinées à protéger les lanceurs d’alerte ont été étendues de manière spécifique aux salariés ayant relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de leurs fonctions (article L 1132-3-3 du Code du travail).

Le recours à la liberté d’expression est alors un rempart utile à brandir par le salarié licencié afin d’obtenir la nullité de son licenciement (Cass. soc. 30 juin 2016 n° 15-10557), comme vient l’illustrer une nouvelle affaire (dont les faits étaient en tout état de cause antérieurs à l’instauration de l’article L 1132-3-3 dans le code du travail).

Dans son arrêt (cliquez ici : Cass. Soc. 19 janv. 2022 n° 20-10057), la chambre sociale de la Cour de cassation énonce qu’en raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté d’expression, en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d’un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales ou des manquements à des obligations déontologiques prévues par la loi ou le règlement, est frappé de nullité.

 

Sauf abus, le salarié jouit d’une liberté d’expression au sein de l’entreprise et en dehors de celle-ci.

Toute limitation apportée à cette liberté fondamentale doit être justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché [1].

Dès lors qu’aucun abus n’est caractérisé dans le cadre de l’exercice de cette liberté, le salarié ne peut faire l’objet d’une sanction fondée sur celle-ci, à défaut de quoi celle-ci est nulle.

Depuis l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, la règle est explicitement consacrée par l’article L1235-3-1 du Code du travail.

Par cet arrêt du 29 juin 2022 (n° 20-16.060), la Cour de cassation affirme que le licenciement d’un salarié fondé, même partiellement, sur l’exercice de sa liberté d’expression est nul.

1) Les faits.

Un salarié, engagé en qualité d’« Executive Director » au sein du groupe Tereos et affecté à la filiale située en Roumanie de ce dernier, est licencié pour faute grave.

Le licenciement du Directeur exécutif était justifié par le fait d’avoir :
- adressé une lettre au président du directoire du groupe mettant en cause le directeur régional ainsi que les choix stratégiques du groupe, tout en insinuant que ce dernier aurait été informé de faits de corruptions ;
- refusé d’assumer ses responsabilités inhérentes à ses fonctions ;
- menacé de communiquer auprès de tiers, tels que les institutions roumaines, les équipes locales et fournisseurs, de faits dont il aurait eu connaissance, de façon à négocier son départ.

Dans un arrêt du 7 mai 2020, la Cour d’appel d’Amiens a considéré que le licenciement était nul.

La société s’est pourvue en cassation.

2) Absence de caractérisation d’un abus de l’exercice de la liberté d’expression.

Dans un arrêt du 29 juin 2022, la Cour de cassation valide le raisonnement de la Cour d’appel d’Amiens selon lequel le licenciement du salarié repose en partie sur l’exercice par ce dernier de la liberté d’expression et est, par conséquent, nul.
Plus précisément, la Cour de cassation relève que les juges du fond ont constaté que la lettre envoyée par le salarié au président du directoire du groupe (premier grief détaillé ci-dessus) :
- faisait suite à l’absence de réaction de sa hiérarchie qu’il avait alertée le 2 décembre 2016 sur des difficultés en matière de sécurité et de corruption ;
- ne comportait aucun terme injurieux, excessif ou diffamatoire à l’encontre du supérieur hiérarchique du salarié ou de l’employeur.

3) Théorie du « motif contaminant » qui entraine la nullité du licenciement.

Ce faisant, la Cour de cassation confirme l’application par la Cour d’appel de la théorie dite du « motif contaminant » selon laquelle les juges du fond n’ont pas à apprécier les autres griefs invoqués aux fondements du licenciement dès lors que l’un d’eux justifie à lui seul la nullité du licenciement (Conclusions de l’Avocate générale, Madame Laulom, p. 3).
La même théorie a par ailleurs été appliquée par la Cour de cassation notamment en cas de violation du droit du salarié d’exercer une action en justice [2] ou en matière de harcèlement moral [3].

Ajout mars 2022 : La loi vient de renforcer le statut de lanceur d'alerte : Cliquez ici

Un salarié peut témoigner auprès de sa direction afin d’alerter sur des agissements qu’il considère être du harcèlement moral.

La dénonciation de tels faits, même s’ils s’avèrent inexacts, ne peut, par principe, pas donner lieu à une sanction.

Ceci est consacré par les dispositions de l’article L. 1152-2 du Code du travail qui disposent qu’aucun « salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. »

La Cour de cassation a été amenée à rappeler la force de ces dispositions en jugeant que « le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis » (Cass. Soc., 17 avril 2019, n°17-20892).

Le salarié doit avoir conscience de la fausseté des faits de harcèlement moral dénoncés ; Ainsi, même s’il était démontré l’absence de harcèlement et donc si les faits dénoncés ne sont pas prouvés, l’employeur doit justifier de la mauvaise foi du salarié à l’origine de la dénonciation pour le sanctionner

Nombreux sont les salariés (non cadres, cadres, cadres dirigeants) à craindre des représailles s’ils dénoncent l’un de leurs collègues harceleur, surtout si ce dernier à des fonctions importantes dans l’entreprise.

Un arrêt très récent de la Cour de Cassation donne une illustration assez intéressante de la protection offerte à ceux qui s’impliquent pour dénoncer le harcèlement moral. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 février 2023, 21-20.811, Inédit)

Dans cette affaire un salarié cadre dirigeant avait adressé un mail confidentiel au Directeur général de l’entreprise pour lui signaler que certains salariés étaient harcelés par le DAF (directeur administratif et financier).

Dans son courrier, il avait été assez abrupt, qualifiant le DAF de  »pédant »,  »odieux » et  »nuisible »,  »incapable de répondre à une question simple, même s’agissant de finance » et  »détesté et dangereux : détesté parce que détestable et dangereux car incompétent’‘.

Son courrier était courageux, il faut le reconnaître … même si peu mesuré dans le choix du vocabulaire.

Curieusement, le Directeur général n’a pas pris la mesure de l’alerte.

Il a préféré s’attacher aux termes du courriel de dénonciation.

Le salarié qui avait dénoncé le harcèlement moral de son collègue a été licencié pour faute grave sur la base de propos tenus dans son courrier qualifiés d’injurieux, diffamatoires ou excessifs à l’encontre d’un membre de la direction.

Fort heureusement, le salarié a saisi le Conseil de prud’hommes pour obtenir l’annulation de son licenciement, en rappelant que le salarié qui dénonce des faits qu’il qualifie de harcèlement bénéficie d’une protection.

Il s’appuyait sur les articles L 1152-2 et L1152-3 du Code du travail qui rappelle que le salarié qui dénonce de tels faits de harcèlement bénéficie d’une protection empêchant l’employeur de le licencier pour avoir dénoncé ces agissements.

Les juges ont été confrontés à un problème précis : la protection du salarié qui dénonce le harcèlement moral peut-elle disparaître si celui-ci semble avoir abusé de sa liberté d’expression ?

La réponse apportée par la Cour de Cassation est limpide : seule mauvaise foi du salarié qui dénonce le harcèlement moral peut lui retirer la protection face au licenciement.

La mauvaise foi n’est pas constituée par les termes utilisés par le salarié pour dénoncer une situation mais uniquement par la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce.

Une décision courageuse de la Cour de Cassation mais à nuancer tout de même car dans le cas d’espèce, la dénonciation avait été faite par courrier confidentiel.

Il serait intéressant de savoir si la Cour de Cassation tiendrait la même position si la dénonciation était publique.

Dans le cadre de son pouvoir disciplinaire, l’employeur peut prendre diverses sanctions à l’égard d’un salarié qu’il considère fautif, le licenciement étant évidemment la plus radicale d’entre elles.

D’autres mesures moins catégoriques peuvent également être prises, en particulier la mise à pied, la mutation ou la rétrogradation, qui affectent la présence du salarié dans l’entreprise et assombrissent assez considérablement son avenir professionnel.

Le salarié ne doit pas rester sans réaction face à une mesure disciplinaire qu’il l’estime injuste et doit la contester, cette contestation s’exprimant alors par un écrit, car l’expérience montre qu’elle est souvent l’amorce d’un cheminement ayant pour finalité la rupture du contrat de travail.

Par ailleurs, la Cour de Cassation vient d’énoncer à nouveau que l’acceptation par le salarié de la modification du contrat de travail proposée par l’employeur à titre de sanction n’emporte pas renonciation du droit à contester la régularité et le bien-fondé de la sanction.

L’affaire en support de cette décision concernait un salarié qui occupait un poste de responsable du patrimoine régional, et que l’employeur avait rétrogradé à un emploi de bibliothécaire, avec son accord, l’intéressé ayant signé l’avenant à son contrat de travail qui lui avait été présenté.

Un peu moins d’un an plus tard, il s’était ravisé et avait saisi la juridiction prud’homale d’une demande d’annulation de la sanction et de réintégration dans son précédent poste.

La Cour d’appel l’en avait débouté, au motif qu’il avait signé en parfaite connaissance de cause l’avenant entérinant sa rétrogradation disciplinaire et qu’il l’avait ainsi acceptée, se fermant la possibilité de la contester.

La Chambre sociale de la Cour de cassation censure donc cette décision. Cliquez ici (Cass. Soc. 14 avril 2021 n° 19-12180).

Par deux arrêts rendus le 23 juin 2021, la Cour de cassation est venue préciser que :

« L’employeur, au sens de ce texte, s’entend non seulement du titulaire du pouvoir disciplinaire mais également du supérieur hiérarchique du salarié, même non titulaire de ce pouvoir »

Ces arrêts sont particulièrement important notamment en cas de licenciement.

L’article L. 1332-4 du Code du travail dispose qu’ « aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance ».

Ainsi, si un supérieur hiérarchique constate et notifie des faits (par écrit, lettre ou email), le délai part à compter de cette notification. 

Un salarié est engagé le 17 mars 2003 et fait l'objet d'un avertissement le 17 février 2014.

Le 31 mars 2014, il saisit le conseil de prud'hommes de demandes tendant notamment à l'annulation de cette sanction. Convoqué le 18 avril 2014 à un entretien préalable et mis à pied à titre conservatoire, il est licencié, le 26 mai 2014, pour une cause qualifiée par l'employeur de réelle et sérieuse.

Mais le salarié saisit la juridiction prud’homale considérant que son licenciement doit être considéré comme nul, car motivé par une action en justice à l’encontre de son employeur. 

La cour d'appel de Douai, par arrêt du 27 septembre 2019, donne raison au salarié. 

La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel, confirmant au passage que : 

  • Est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, le licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite ou susceptible d'être introduite par le salarié à l'encontre de son employeur ;
  • Le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration, sans déduction des éventuels revenus de remplacement dont il a pu bénéficier pendant cette période.

 

cliquez ici pour la décision de justice

Depuis une vingtaine d'années, la jurisprudence décide que le droit du salarié au respect de sa vie personnelle interdit en principe à l'employeur de s'appuyer sur un fait tiré de la vie personnelle pour prendre à son encontre une mesure de licenciement disciplinaire.

Néanmoins, la seule circonstance que les faits relèvent de la vie personnelle du salarié ne saurait, en toute circonstance, constituer un « blanc-seing » donné au salarié. L’employeur peut donc, sous certaines conditions, prendre en compte les événements en cause à l’appui d’une mesure de licenciement.

Une sanctuarisation de la vie personnelle du salarié…

 

L’article 9 du Code civil énonce que « toute personne a droit au respect de sa vie privée ». Cette notion a un contenu précis qui renvoie à ce qui relève de l’intimité de la personne (le nom, le domicile, la vie sentimentale ou familiale, les relations personnelles, l’état de santé, les convictions politiques et religieuses). Or, si le juge a toujours admis que l’employeur ne peut en principe, sanctionner un salarié pour des faits relevant de sa privée (Cass. soc., 20 novembre 1991, n°89-44.605), force est de contester que cette notion ne permet pas d’appréhender toutes les activités des salariés exercées en dehors du temps et du lieu de travail.

En effet, la seule circonstance que les faits se soient produits en dehors du temps et du lieu de travail ne suffit pas à leur conférer un caractère privé.

Il existe donc une « zone grise » qui ne relève ni de la vie privée ainsi définie, ni de la vie professionnelle du salarié et dont la protection s’avère délicate. C’est ainsi que la Cour de cassation a parfois été conduite à rattacher certains comportements à la vie privée pour les faire échapper au pouvoir de direction de l’employeur et au lien de subordination en décidant, par exemple, que le fait pour une salariée d’acheter une voiture de marque différente de celle de son employeur relevait de sa vie privée et ne pouvait à ce titre justifier une sanction disciplinaire (Cass. soc., 22 janvier 1992, n°90-42.517).

Pour résoudre cette difficulté, le juge a eu recours à la notion de « vie personnelle », notion plus vaste englobant non seulement les faits relevant de la vie privée mais également l’ensemble de ses activités accomplies en dehors du temps et du lieu de travail. En 1997, la Cour de cassation pose pour la première fois pour principe que les agissements d’un salarié dans sa vie personnelle ne peuvent justifier un licenciement pour faute (Cass., soc. 14 mai 1997, n°94-45.473 ; Cass. soc. 16 décembre 1997, n°95-41.326). La jurisprudence a depuis précisé les situations qui relèvent de la vie personnelle. Il en est ainsi notamment des activités menées pendant une suspension du contrat de travail (Cass. soc., 16 juin 1998, n°96-41.558) ou des infractions pénales commises dans le cadre de la vie extraprofessionnelle (Cass. soc. 20 décembre 2017, n°16-14.179),   

Allant plus loin, le célèbre arrêt Nikon (Cass. soc., 2 octobre 2001 n°99-42-942) a consacré le droit du salarié au respect de l'intimité de sa vie privée même au temps et au lieu de  travail ce qui interdit à l'employeur de prendre connaissance des messages personnels, échangés par le salarié grâce à la messagerie électronique mise à sa disposition par l’entreprise. La portée de cette décision a cependant été limitée par les jurisprudences ultérieures qui ont précisé que les messages échangés grâce à l’ordinateur mis à disposition par l'employeur pour les besoins du travail sont présumés avoir un caractère professionnel, de sorte que l'employeur est en droit de les ouvrir en dehors de la présence de l'intéressé (Cass. soc., 18 octobre 2011 n°10-26.782). En outre, même lorsque les messages ont été identifiés comme personnels, l’employeur peut en prendre connaissance, s’il justifie d’un motif légitime, en présence du salarié ou celui-ci dument appelé (Cass. soc., 17 mai 2005, n°03-40.017 ). En revanche, l’employeur ne peut jamais prendre connaissance des messages émis ou reçus à partir d’une messagerie électronique instantanée personnelle, même installée sur l’ordinateur de travail du salarié (Cass. soc., 23 octobre 2019, n°17-28.448). Ces solutions s’appliquent aux messages électroniques mais aussi aux dossiers et fichiers, identifiés comme personnels, figurant sur le disque dur de l’ordinateur.

Le développement d’Internet et des réseaux sociaux brouille encore davantage les frontières entre ce qui relève de la vie personnelle et professionnelle en abolissant les notions de temps et de lieu de travail. Ainsi les propos injurieux et offensants tenus par le salarié à l’encontre de l’employeur auront un caractère public ou privé selon que leur auteur a entendu limiter ou non l’étendue de leurs destinataires. Relèvent ainsi d’une conversation privée, les propos diffusés sur son compte Facebook par une salariée, qui ne sont accessibles qu’à un groupe fermé de 14 personnes agréées par cette dernière (Cass. soc., 12 septembre 2018, n°16-11.690).

 … Qui ne doit pas faire oublier la protection des intérêts légitimes de l’entreprise

Si la jurisprudence pose en principe qu’un fait tiré de la vie personnelle ne peut ni caractériser une faute, ni justifier en lui-même un licenciement, la protection des intérêts de l’entreprise peut parfois justifier qu’il puisse être retenu à l’appui d’une mesure de licenciement, y compris disciplinaire.

Licenciement pour trouble objectif

Le licenciement peut ainsi être envisagé lorsque le comportement du salarié cause un trouble objectif dans le fonctionnement de l’entreprise. Ce licenciement bien que prononcé pour un motif personnel ne repose pas sur l’existence d’une faute disciplinaire, le trouble objectif causé dans le fonctionnement de l’entreprise ne permettant pas en lui-même de prendre une sanction disciplinaire à l’encontre de celui par lequel il est survenu (Ch. Mixte, 18 mai 2007, n°05-40.803 ; Cass. soc. 23 juin 2009 n°07-45.256). Il a ainsi été jugé que constitue un trouble objectif caractérisé, justifiant son licenciement, le fait pour une salariée de s’être fait retirer son permis de conduire pour conduite en état d’ivresse en dehors de ses heures de travail, dès lors que le permis est nécessaire à l’exercice de son activité professionnelle (Cass. soc., 15 janvier 2014, n°12-22.117).

Constitue également un tel trouble justifiant le licenciement, la condamnation d’un salarié pour viol sur un enfant dont la mère est également salariée de l’entreprise entrainant la mise en place d’une cellule psychologique et l’obligation pour l’employeur d’intervenir pour éviter les rumeurs (Cass. soc., 26 septembre 2012, n°11-11.247). En revanche, le fait de mentir sur son motif d’absence en invoquant un arrêt maladie alors qu’il s’agit en réalité d’une garde à vue ne constitue pas un motif de licenciement dès lors qu’il n’est pas établi que ce comportement issu de la vie privée a créé un trouble objectif caractérisé au sein de l’entreprise (Cass. soc., 16 septembre 2009, n°08-41.837). L’employeur doit donc, s’il décide de procéder au licenciement de l’intéressé, être en mesure de produire des éléments de nature à établir la réalité du trouble causé dans l’entreprise par le comportement du salarié.

Licenciement disciplinaire pour manquement à une obligation découlant du contrat

Par exception, le licenciement peut toutefois être prononcé pour un motif disciplinaire lorsque les faits en cause se rattachent à la vie professionnelle ou lorsqu’ils constituent un manquement du salarié aux obligations découlant de son contrat de travail. Est dès lors justifié le licenciement pour faute grave d’un steward pour avoir consommé des drogues dures entre deux vols longs courriers de sorte qu’il se trouvait sous l’influence de stupéfiants dans l’exercice de ses fonctions (Cass. soc., 27 mars 2012, n°10-19.915). Le fait pour un salarié de falsifier des factures pour obtenir des remboursements de l’organisme de complémentaire santé au détriment de l’un des principaux clients de l’employeur se rattache à la vie professionnelle et justifie un licenciement pour faute grave (Cass. soc., 16 janvier 2019, n°17-15.002). Il en est de même du salarié qui a dissimulé à son employeur que sa mise en examen était en rapport avec ses fonctions professionnelles (Cass. soc., 29 septembre 2014, n°13-13.661).

Le plus souvent, c’est un manquement du salarié à son obligation de loyauté, laquelle subsiste même en cas de suspension du contrat de travail, qui est invoqué. Mais le seul exercice d’une activité pendant un arrêt de travail ne constitue pas un tel manquement dès lors qu’il n’est pas établi que l’acte ait causé un préjudice à l’employeur. En revanche, manque à son obligation de loyauté, le salarié qui, pendant son arrêt de travail, refuse de communiquer à l’employeur les informations qu’il détient et qui sont nécessaires à la continuité du service (Cass. soc. 18 mars 2003, n°01-41.343). Commet également un tel manquement justifiant son licenciement pour faute grave, un sportif professionnel en arrêt maladie qui ne se soumet pas aux rendez vous médicaux en vue de restaurer son potentiel physique comme l’exige la spécificité de son métier (Cass. soc., 20 février 2019, n°17-18.912).

Notons enfin que le Conseil d’Etat retient à propos des salariés protégés, des solutions similaires à celles de la Cour de cassation. Ainsi, dans un arrêt récent, le Conseil d’Etat rappelle qu’un agissement du salarié intervenu en dehors de l’exécution du contrat de travail ne peut motiver un licenciement pour faute, sauf s’il traduit la méconnaissance de l’intéressé d’une obligation découlant de son contrat. En l’espèce, un salarié protégé s’était introduit dans la messagerie professionnelle d’une autre salariée de l’entreprise à son insu et y avait détourné de la correspondance ayant explicitement un caractère personnel. Le Conseil décide que le salarié a ainsi méconnu l’obligation de loyauté découlant de son contrat de travail, ce qui justifiait son licenciement pour faute, même si les faits ont été commis en dehors du temps et du lieu de travail (C. E., 10 juillet 2019, n°408644).

On le voit, la frontière entre vie professionnelle et vie personnelle n’est pas totalement étanche et le licenciement ne saurait être exclu du seul fait que les faits ont été commis en dehors du temps et des lieux de travail. L’employeur devra néanmoins être vigilant s’agissant du motif retenu pour justifier une telle mesure (trouble objectif ou faute) car une qualification erronée l’exposerait à une requalification de la mesure en licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 29 janvier 2003, n°01-40.036).

Article L 1152-1 du Code du Travail : "Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel» 

L’article L 411-1 du code de la sécurité sociale qui pose en principe que tout accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail quelle qu’en soit la cause est considéré comme accident du travail, institue une présomption d’imputabilité de l’accident du travail.

Constitue un accident du travail un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail dont il est résulté une atteinte corporelle. Peuvent, également bénéficier de la prise en charge spécifique aux accidents du travail les personnes victimes d’agression ou ayant subi un choc émotionnel au temps et au lieu du travail et qui développent, à la suite des faits, des pathologies dues au stress post traumatique.

En l’espèce, la réalité d’une altercation verbale entre une salariée et son employeur, ayant pour origine un retard de la salariée au retour de sa pause déjeuné et survenue le 15 octobre 2009 vers 14 heures 10 soit au temps et au lieu du travail ne fait aucun doute.
Il est constant, également, que l’intéressée a été en situation d’arrêt de travail pour maladie le lendemain de cet incident ainsi qu’il résulte du certificat médical initial établi par le Docteur C. mentionnant notamment « un état anxio-dépressif sévère… stress,… émotionnelle, insomnies à mettre en parallèle avec une altercation sur le lieu du travail ».
Il ressort, en outre, de l’enquête administrative diligentée par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie ainsi que de l’attestation établie le 12 décembre 2009, par Madame Julie R., les éléments suivants :
– s’agissant des faits litigieux, Madame L. a indiqué qu’à son retour de déjeuner à 14 heures 08, Monsieur M. s’était littéralement jeté sur elle pour lui reprocher son retard, ces faits s’étant déroulés dans l’open-space en présence du directeur général, d’autres salariés et de prestataires extérieurs et qu’elle s’est sentie humiliée par la violence verbale de ces reproches formulés en public, l’intéressée faisant état du ton méprisant employé par Monsieur M. ainsi que de ses ricanements hors de proportion avec les faits ; elle précise qu’elle s’est, ensuite, réfugiée dans son bureau où elle s’est effondrée en larmes et où elle a pleuré tout l’après-midi, Madame L. ajoutant qu’avant de quitter la société, elle a adressé à sa hiérarchie un mail qui est joint à la procédure et qui est relatif à l’incident de l’après-midi dans lequel elle exprimait son incompréhension.
– Monsieur M. a admis qu’il avait effectivement fait une remarque à Madame L. la voyant arriver en retard après le déjeuner et qu’au lieu de s’excuser courtoisement et donner des explications, cette dernière avait haussé le ton pour ameuter le personnel présent, ajoutant que quelque temps après, il avait essayé d’entamer le dialogue pour apaiser les tensions.
– Madame R., employée de la société de juillet 2008 à novembre 2009 en tant qu’adjointe au directeur technique a fait part de ce que Madame L. avait été victime d’une violente agression verbale de la part de Monsieur M. et ce sur un ton totalement injustifié par rapport à la situation, Madame R. précisant : « humilier publiquement une personne de telle façon, pour seulement 8 minutes de retard d’autant plus que cette personne arrive en avance tous les matins, cela m’a paru totalement disproportionné. Je me suis rendue dans le bureau de Madame L. pour voir comment elle se sentait. J’ai croisé Monsieur M. qui portait fièrement un sourire moqueur. Arrivée au bureau, j’ai trouvé Madame L. effondrée en sanglots. Je suis passée plusieurs fois dans son bureau au cours de l’après-midi et je l’ai trouvée à chaque fois complètement abattue. »
L’existence d’un choc émotionnel provoqué aux temps et lieu du travail à la suite des propos tenus par Monsieur M. et du ton violent, inutilement humiliant et inadapté employé par ce dernier est, donc, suffisamment établie, l’existence de cette lésion psychologique étant confirmée par le certificat médical susvisé établi dès le lendemain des faits.
Dès lors, en l’état d’un tel trouble de nature psychologique ainsi survenu aux temps et lieu du travail, Madame L. bénéficie de la présomption d’imputabilité au travail prévue par l’article L 411-1 du code de la sécurité sociale de sorte qu’il appartient à l’employeur qui en conteste le caractère professionnel de rapporter la preuve que ce trouble n’a aucun lien avec le travail ce qui ne saurait résulter des seules affirmations de la société selon lesquelles les déclarations de Madame R. seraient de pure complaisance et de ce que « les problèmes de santé de la salariée proviendraient de son caractère fort, difficile et du conflit violent qu’elle vivait avec son ex-mari », les différents témoignages pour l’essentiel subjectifs et ne se rapportant à aucun fait matériellement vérifiable produits, à cet égard, par l’intimée étant en tout état de cause sans aucun lien direct avec le déroulement des faits survenus le 15 octobre 2009 et ne permettant nullement de retenir l’existence d’un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l’accident ou d’une cause totalement étrangère et susceptible de renverser la présomption d’imputabilité précitée.
Cour d’appel de Toulouse, 28 mars 2014 n° 12/03495

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